mardi 12 décembre 2006

Le tramway sur l’aire toulonnaise, c’est fini !
Article paru dans Cuverville du 24 novembre 2006

La frilosité des élus de TPM en a eu raison. Parler encore de tramway pour la dernière version qui nous est annoncée relève de l’abus de langage. En fait, il s’agit d’un trolleybus auquel on ajoute un rail de guidage. Merci aux élus qui nous font faire un bond de 40 ans en arrière. On verra plus loin en quoi cet avatar ne mérite pas le nom de tramway, et en quoi il ne peut satisfaire les besoins d’une grande métropole.
La mort du tramway authentique était en fait programmée quand on a estimé que la priorité des priorités était le second tube de la traversée souterraine, et que la ligne de TCSP ne venait qu’après. Crainte de l’opposition des automobilistes quand beaucoup estiment encore, comme feu Pompidou, qu’il faut « adapter la ville à la bagnole » ? Crainte d’affronter les électeurs un temps perturbés par des travaux forcément contraignants ? Quoi qu’il en soit, nos élus n’ont cessé de se diriger vers le tramway à reculons quand il n’aurait fallu qu’un peu de courage et de volonté politique. Le deuxième coup bas porté contre le tramway fut cette décision de saucissonner le premier tronçon pour le réduire à la liaison Noël Blache-Université.
Après ces deux mesures qui trahissaient une mauvaise volonté flagrante, le pire était à craindre. Rassurons-nous, nous y sommes. La dernière trouvaille, de se rabattre sur le pseudo-tram à pneus, est bien à l’image de ce qui précède. Pour la justifier, on nous avance la carotte d’un moindre coût. Or, ce n’est pas si simple. Tout d’abord, le véhicule sur pneus présente la particularité d’être doté d’un moteur auxiliaire, un diesel, et d’un volant, ce qui permet en cas de besoin de quitter le rail de guidage pour gagner en autonomie.
Quelques effets secondaires Cette particularité entraîne plusieurs effets induits. Un effet qu’on qualifiera de psychologique : le domaine réservé en principe au tramway n’impressionne plus guère le livreur en retard ou l’automobiliste mufle (si, si, il y en a) qui pourront se laisser aller à stationner là où il ne faudrait pas, et qui obligeront le TCSP à un écart, sachant que cela lui est toujours possible. Une variante : en cas de difficultés d’aménagement, plutôt que de régler la question de façon plus radicale, certaines collectivités peuvent adopter la solution de facilité en décidant que dans certains endroits le véhicule se débrouillera avec son diesel. Merci pour la pollution que le TCSP est censé combattre. Où est l’économie ?
Paradoxalement, l’utilisation des pneus engendre des dépenses supplémentaires. Alors qu’une voie ferrée normale est installée et solidement en place une fois pour toutes, le roulement des pneus toujours au même endroit engendre une formation d’ornières. Il suffit de voir l’état de nos couloirs de bus pour comprendre, sauf que, phénomène aggravant, le poids des véhicules sera nettement plus élevé. Outre que cette déformation nuit sensiblement au confort des voyageurs, la chaussée doit être réhabilitée régulièrement. Où est l’économie ?
Il n’est pas besoin d’être normalien pour savoir que la résistance des pneus au roulement est bien supérieure à celui de la roue métallique sur le rail en fer. Tous les techniciens vous le diront : on n’a encore rien trouvé de plus économique que le roulement dit « fer sur fer ». Il y a donc un accroissement de la consommation d’énergie pour déplacer des masses similaires. Où est l’économie ?
Jusqu’ici, les quelques utilisations de ce mode ont permis de constater une usure prématurée des galets de guidage, ce qui nécessite leur renouvellement fréquent. Et c’est bien plus cher qu’une roue de vélo. De plus, il est indispensable de remplacer les pneus deux fois par an. A titre indicatif, un pneu du tram de Nancy coûte 700 euros. Où est l’économie ?
Expériences cruelles Sur ce point, on ajoutera que les nombreux incidents (et accidents) éprouvés par le pseudo-tram sur pneus de Nancy résultaient de la manœuvre du passage du régime hors-rail au régime rail, phase qui est alors apparue dangereuse puisqu’une rame s’est même retrouvée bêtement sur un trottoir. L’originalité de ce moyen de transport, à savoir le moteur auxiliaire, fait qu’il appartient juridiquement à la catégorie des « véhicules routiers », ce qui lui interdit de dépasser une longueur de 24,5 mètres alors qu’un vrai tramway peut aller jusqu’à 40 mètres. Résultat : pour transporter le même nombre de voyageurs, il faudra augmenter le nombre de rames et le personnel qui va avec. Où est l’économie ?
On veut aussi nous faire croire que le pseudo-tram, par le seul fait qu’il est sur pneus, est plus silencieux que l’autre. Archi-faux. D’abord le phénomène de création d’ornières, en secouant la caisse, contribue au bruit. Ensuite, à moins qu’un ingénieur ingénieux trouve la solution, la course du galet dans le rail de guidage produit un bruit très net. Au demeurant, et sans vouloir se vanter, l’auteur de ces lignes a pu comparer in situ le bruit du vrai tram de Nantes avec celui de Nancy. Celui de Nantes est bien plus discret.
Une vue à court terme Enfin, n’ayons pas peur des mots, mettre en place un tel mode, c’est insulter l’avenir. Qu’est-ce à dire ? Dans les moulinets oratoires, nos élus ont appris à user d’un terme moderne, celui d’intermodalité. Ils nous le ressortent quand ils veulent nous faire croire qu’ils sont en pointe sur les transports. L’intermodalité, c’est, entre autres, de faire en sorte qu’un tramway pourrait, selon les besoins et la configuration des voies, passer de ses propres rails à ceux de la SNCF. Bref, devenir quand c’est possible une sorte de tram-train. Bien sûr, on ne mettra pas le tram sur la voie ferrée de Nice, il y a déjà trop de trafic. Mais il y avait une occasion fantastique à saisir : relier Toulon à l’aéroport d’Hyères par la voie existante en grande partie. Et ainsi donner un moyen de transport rapide aux Hyérois, en même temps qu’on aurait soulagé la liaison routière surchargée. Là, l’agglomération aurait pris un coup de modernisme dans dix ou vingt ans : relier l’aéroport au centre de la ville capitale par un moyen rapide et direct. Rigoureusement impossible avec l’ersatz de tram qu’on nous propose.
Inutile de revenir sur les multiples déboires de Nancy. Clermont-Ferrand, qui a choisi le pneu, s’est déjà vu différer par le préfet la mise en service pour des raisons de sécurité. Le Mans, Angers, Orléans pour sa deuxième ligne, Nice, Tours, Paris (ligne des Maréchaux), Toulouse, qui avaient soit hésité entre les deux modes, soit choisi dans un premier temps le mode pneu, ont toutes décidé d’opter pour le tram « fer ». Il doit bien y avoir des raisons.
Et encore une fois, nos élus vont jouer petit bras. Incapables d’avoir une vue à long terme, économes en bouts de ficelles, ils vont nous conduire à un système bricolé qui fera au moins la curiosité des touristes...

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